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[FJV 2009] Heavy Rain : Interview exclusive P3L de David Cage

C'est grâce à la présence sur les lieux de notre éminent collègue et rédacteur Drummerbart (et bien évidemment de Grégory Delfosse, RP Sony France qu'on ne cessera de remercier pour l'attention qu'il porte à notre site), que la rencontre a pu être, après celle de l'E3, encore une fois possible entre la rédaction P3L et David Cage, le papa de Heavy Rain, et évidemment de Quantic Dream.
Sans plus attendre, voici l'interview confectionnée par nos soins, et comme d'accoutumée de la part de David Cage, sans concession :

P3L : Quand a débuté le processus de création de Heavy Rain ?

David CAGE : C'est vraiment sur la fin de Fahrenheit, j'étais un peu déprimé et un peu partagé : on avait travaillé longtemps sur ce projet dans lequel on croyait beaucoup, ça a été un peu chaotique pour des raisons indépendantes de notre volonté, on a été pris dans la tourmente Vivendi et surtout, lors de l'E3, j'ai vu Fahrenheit présenté au milieu de jeux qui n'avaient rien à voir et je me suis senti complètement étranger à tout ce que tout le monde faisait à l'époque, du coup j'étais vraiment convaincu qu'on s'était trompé de voie et que ce n'est pas ça qu'il fallait faire. On commençait à parler d'autres projets à d'autres éditeurs et c'est à ce moment là que sont sortis les premiers tests, qui furent dithyrambiques et les premiers chiffres de vente furent également très bon, puisque le titre entrera en tête dans les charts Anglais et Allemand. Donc ça c'est finalement plutôt bien passé. On arrivait face à des éditeurs en leur proposant un Nomad Soul II et eux nous répondaient qu'ils avaient joué à Fahrenheit, qu'il l'avaient trouvé super et nous demandaient donc de poursuivre plutôt dans cette voie là. On s'est donc dit que finalement on n'avait peut-être trouvé quelque chose, qu'on ne s'était pas si trompé que ça et nous avons donc choisi la continuité.

D'où te vient ton inspiration ? Quelles sont tes influences ?

L'inspiration on ne sait jamais d'où elle vient vraiment, sans doute de films ou autre mais parfois c'est un truc que tu as vu il y a 20 ans qui te revient alors que tu es en pleine écriture. Donc c'est toujours difficile à expliquer d'où viennent les influences. Mais en tout cas, c'est le premier jeu que j'écris dans lequel il y a des choses personnelles et vraiment une envie de raconter des choses qui me rendent plus proche que ce qu'on fait traditionnellement.

Tu as parlé, en cours de développement, d'un début et d'une fin immuables, seules nos actions entre les deux rendraient la progression différente, mais avec le même point final. En est-il toujours de même à l'heure actuelle, ou peut-on s'attendre à plusieurs « fins » possibles ?

Il y a toujours une logique de fin différente mais de toute façon Heavy Rain c'est bien plus que ça. Ce n'est pas un ligne droite avec au bout 3 fins différentes, il y a vraiment différentes manières, différentes routes pour atteindre différentes fins. Mais cette fin est vraiment la conséquence logique de tous les actes du joueur, pas simplement d'une action, puisque certaines ne vont pas avoir de conséquence directe, ou alors limitée dans le temps ; alors que d'autres auront vraiment un impact fort sur le cheminement. Ce n'est pas un choix qui va donner un chemin, mais la narration que choisira de donner le joueur à l'histoire qui le conduira vers une de la quinzaine de fin possibles.

Heavy Rain étant avant tout une histoire qui se prend dans sa globalité et une expérience personnelle, est-ce un jeu facile à présenter dans un salon ?

Le problème c'est qu'Heavy Rain n'est justement pas un jeu de salon. Un jeu d'action c'est facile, tu prends le pad et en 5 minutes tu sais si tu aimes ou pas. Heavy Rain est un jeu qui repose sur la narration, sur l'émotion, on a besoin de temps pour apprendre à connaître les personnages. Qui sont-ils, d'où viennent-ils, où vont-ils, pourquoi sont-ils là, quels sont les enjeux ? Là on a rien de tout ça, ce sont vraiment des samples, ce sont des échantillons du jeu qui sont un peu jetés en pâtures et on ne sait jamais vraiment ce que les gens en retirent en mal ou en bien.

Entre 2 entretiens tu observes peut-être les réactions des joueurs, qui parfois semblent un peu déstabilisés par le mode de contrôle du jeu. Quel est ton ressenti par rapport à ces réactions ?

Heavy Rain est un jeu dans lequel on change le mode d'interaction, on avance de manière inhabituel, le switch de caméra n'est pas classique, c'est un jeu qui nécessite de rentrer dedans. C'est pas comme un shooter dans lequel on connaît les codes parce qu'on a joué à une dizaine de jeux similaires. On teste le jeu comme il doit être testé, c'est à dire que nous organisons des cessions avec des gens qui n'ont jamais joués, on leur fait découvrir le jeu chronologiquement et on a vraiment des retours extraordinaires sur la manière dont le jeu se joue. C'est pour ça qu'il ne faut pas se baser sur les réactions dans un endroit comme celui-ci, même si globalement on se rend compte que le contrôle du jeu devient vite spontané après quelques minutes de jeu.

Beaucoup de joueurs ont peu apprécié le « renforcement » des cinématiques du dernier Metal Gear. Doit-on s'attendre à une omniprésence des cinématiques aussi sur Heavy Rain ? Ou ces dernières seront-elles distillées avec parcimonie tout au long du jeu ?

Il n'y a pas de cinématiques dans Heavy Rain, où alors elles sont très courtes puisqu'elles ne durent pas plus de 20 secondes. Tout l'intérêt du jeu, on ne l'a peut-être pas assez expliqué, c'est justement de ne pas raconter l'histoire à travers des cinématiques mais bien à travers des actions du joueur.

Lors du GamesCom tu t'étais justement un peu énervé sur la place des cinématiques et surtout des QTE ...

Jusqu'à maintenant, nous avons montré 4 scènes du jeu et 2 trailers, il y a peu de jeux qui se donnent autant de mal. Sur ces 4 scènes, il y en a une qui comprend des QTE qui représentent 1/3 de la scène en question et c'est la proportion qu'on retrouve à peu de chose près dans le jeu. Mais ce n'est en tout cas pas un jeu à la Dragon's Lair ou je ne sais quoi, Heavy Rain est très rythmé, dans lequel on a un retour immédiat sur ses actions et que nous voulons spectaculaire. Pour le moment nous avons de très bons retours , notamment aux USA où il y a beaucoup de hardcore-gamers qui étaient dubitatifs avant de prendre le pad en main et qui, une fois aux commandes, ont pris pleinement plaisir à jouer.

Penses-tu que, justement, certains joueurs sont dubitatifs parce qu'ils ont moyennement appréciés l'expérience Fahrenheit, s'attendant peut-être à plus d'action ?

Les séquences d'action sur Fahrenheit ne fonctionnaient pas comme nous le voulions. Nous avons essayé beaucoup de choses et n'étions pas particulièrement heureux du résultat final, mais justement, on apprend de ça, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous sommes repartis d'une page blanche sur ce point et je pense que nous avons trouvé une solution qui me donne beaucoup plus de satisfactions sur Heavy Rain.

Quoi que fasse le joueur, pourra-t-il toujours finir le jeu ? S'il fait une succession de très mauvais choix, pourra t-il se retrouver en game over ?

C'est un jeu dans lequel il n'y a pas de game over, j'ai vraiment voulu me débarrasser de cette notion qui sous entend que, puisque le joueur n'a pas joué comme le développeur l'a pensé, il doit recommencer jusqu'à ce qu'il réussisse. D'un point de vue narratif, ça n'a pas de sens, ça crée une rupture temporelle qui fait revenir en arrière et revivre les mêmes choses. J'ai donc souhaité que la mort des personnages soient un événement du scénario, le joueur à perdu le personnage, a perdu sa piste mais ça ne doit pas être vécu comme une sanction. Ok, le personnage est mort mais en même temps ça permettra sans doute au joueur de découvrir des scènes qu'ils n'auraient pas vu de son vivant.

Heavy Rain est sans doute l'aboutissement du croisement entre jeu vidéo et cinéma. Penses-tu à ce titre qu'une adaptation soit possible ? Pourrais-tu en prendre les commandes ?

Non, honnêtement non et ce n'est pas quelque chose qui me fait rêver particulièrement. Il faut beaucoup de temps pour apprendre à faire un film et on ne s'improvise pas réalisateur du jour au lendemain. Je suis content d'être ici et de faire ce que je fais, comme je le fais. Bien sur, si demain quelqu'un proposait de faire un film d'Heavy Rain, j'en serais heureux mais ça ne sera pas moi qui le dirigerait, ce n'est ni un rêve, ni une envie, ni un aboutissement.

Vous avez voulu un titre résolument adulte, avez-vous une idée de la classification PEGI ?

Heavy Rain sera classifié M (18+).

Quantic Dream a développé trois jeux depuis 1995, comment le studio fait-il pour « vivre » dans un environnement économique difficile ?

On vit très bien, on vit même mieux. A une époque, au moment du développement d'internet, plein de monde me disait « pourquoi tu ne fais pas des sites internet ? », les gens qui me disaient ça ne sont plus là pour en parler, ou encore « pourquoi tu fais pas des jeux Wii ou DS ? », les gens qui me disaient ça, souffrent aujourd'hui parce que le marché est en train de changer. J'ai la chance depuis le début de l'aventure Quantic, de trouver des gens qui me donnent les moyens de développer mes idées et qui me donnent le temps de le faire. Au nom de quoi je devrais faire la course et me dire « il faut que je sorte 10 jeux par an » ? En quoi faire 10 jeux par an serait mieux que faire 1 jeu tous les 4 ans comme je le fais actuellement ? 4 ans, c'est le temps qu'il faut pour développer une technologie propriétaire, développer un nouveau concept, avoir le temps de l'écrire, de le développer et de le réaliser. C'est le temps jusqu'à présent qu'on m'a donné, donc j'ai pris. Honnêtement, je n'en tire pas de fierté, je n'en ai pas honte non plus, c'est simplement comme ça que je vois mon travail.

Le studio consacre t-il 100 % de ses ressources à HR ou a t-il d'autres projets en cours, un Nomad Soul 2, par exemple ?

A Quantic nous sommes des artisans, comme dans un atelier nous avons l'amour du travail bien fait, en tout cas nous avons une vraie implication, une vraie envie. Nous n'avons pas vocation à devenir demain une usine à jeux, nous n'avons pas derrière nous des actionnaires qui nous menacent si ça ne va pas. Nous sommes juste des gens passionnés. Donc toutes les ressources de Quantic -nous sommes actuellement une centaine- sont concentrées sur Heavy Rain et y sera tant que ça sera nécessaire jusqu'à la dernière minute. A aucun moment il n'y aura un calcul pour envoyer une partie de l'équipe travailler sur un jeu DS ou un jeu Wii pour rentabiliser je ne sais pas quoi, nous ne sommes pas du tout dans cette démarche là.

En parlant de rentabilité, quel regard portes-tu sur le marché du jeu et plus particulièrement sur les déclarations d'un Kotick, qui montre peu d'estime pour les joueurs et pour la créativité ?

Je crois que dans toutes les industries il y a différentes manières de faire son métier, différentes logiques. Il y a des gens aujourd'hui pour qui faire du jeu vidéo est un placement financier comme un autre et c'est respectable en soit quand on est clair dans sa démarche, et il y en à d'autres qui ont des ambitions plus artistiques, à chacun de se positionner clairement en fonction de ce qu'il a envie de faire. Quantic est une entreprise dont le but est aussi de gagner de l'argent, nous ne sommes pas une association de bienfaisance non plus. Mais nous pensons que le meilleur moyen d'y arriver c'est en faisant des jeux originaux et en explorant de nouvelles voies. C'est un vrai projet d'entreprise de penser que nous arriverons à la profitabilité en faisant de la qualité, plutôt que de se comporter en esclavagiste ou de déménager les studios dans je ne sais quel pays …

Comment Sony a t-il contribué au développement du jeu (Outils ? Part financière ? Savoir faire ?)

Sony a énormément contribué au projet d'abord en nous faisant confiance, ce qui n'est pas rien par les temps qui courent. C'est un projet qui à un coût élevé, comme tous les projets next-gen, qui a un risque à la fois industriel et éditorial parce qu'il sort des sentiers battus. Ils ont également bien sur totalement financé le projet, en tant que producteur et éditeur exclusif sur PS3. Sur le plan technique, notre technologie est totalement propriétaire mais l'avantage de travailler avec une entreprise comme Sony est d'avoir accès à des pré-kits et surtout nous avons la possibilité de donner notre avis sur des features software ou hardware et ça, c'est un vrai bonheur.

Que penses tu de l'évolution des consoles (reconnaissance faciale, PS-mote, 3D) et comment t'inscris-tu dans cette évolution ?

Tout ça est très intéressant mais tout ça va très vite, on a pas encore eu le temps de digérer la PS3 et on a déjà des nouveaux « devices » qui arrivent alors que nous n'avons pas du tout fait le tour de la console, nous avons encore beaucoup de marge pour progresser. On regarde bien sur tout ça avec beaucoup d'intérêt, y a des choses très intéressantes, notamment le contrôleur motion de Sony que nous suivons depuis les premiers prototypes avec beaucoup d'intérêt. Pour l'instant nous restons concentré sur Heavy Rain et nous nous pencherons sur tout ça quand le moment viendra.

Pour finir, à l'approche de la sortie du jeu, ressens-tu une pression particulière autour de la sortie d'Heavy Rain ? Quelles sont tes craintes ou, au contraire, es-tu plutôt optimiste et pourquoi ?

Ni l'un ni l'autre … Je suis très concentré sur ce que nous faisons actuellement, je suis très attentif à l'équipe qui travaille très dure depuis très longtemps, cent personnes c'est quand même une grosse machine. Surtout, ce sont des humains, il faut gérer la fatigue, la pression et les échéances. Tout ça sans perdre de vue la qualité du jeu pour faire en sorte d'arriver au niveau que nous nous sommes fixés. Je ne suis pas quelqu'un d'ultra confiant pour me dire « c'est bon, c'est gagné, ça y est c'est dans la poche », il ne faut pas être comme ça dans notre métier. Mais en même temps je ne suis pas quelqu'un de défaitiste non plus, j'ai confiance en mon produit, je sais que nous faisons le jeu que j'avais envie de faire et maintenant ma tâche est de le terminer. Après, mon travail est fini quelque part, une fois que j'ai remis mon master, les gens pensent ce qu'ils en pensent, écrivent ce qu'ils veulent écrire et c'est un peu à chacun de se positionner par rapport à ça.

A Los Angeles tu avais dit à nos lecteur de rester connectés, qu'il y aurait des nouveautés à voir. Effectivement, ils ont vu. A l'entrée de la dernière ligne droite, quel message souhaites-tu leur adresser ?

Avant de répondre je voudrai ajouter que j'ai le sentiment qu'il y a eu un déclic à Cologne, c'est en tout cas vraiment le moment dans la longue campagne que nous nous sommes donnés avec Sony, où nous nous sommes dit « ça y est ! Les gens comprennent vraiment ce que nous sommes en train de faire ! ». Nous avons montrés de nouvelles scènes et des teaser et les gens ont vraiment compris que nous étions sérieux quand nous parlions d'émotions, de mis en scène, d'ambiance etc. C'est un moment vraiment important et charnière dans la campagne du jeu.
Ce que j'ai à dire aux lecteurs de Play3-Live c'est qu'il va y avoir encore au moins une annonce et qu'il faut donner sa chance à ce jeu qui est intrigant, qui est décrit comme risqué, je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, c'est un jeu ambitieux, différent et il faut donner leur chance à ce type de jeux. Je crois qu'on peut soutenir les gens qui ont un jeu de foot tous les ans, qui vous revendent le même jeu tous les ans, mais il faut aussi soutenir les gens qui font des choses différentes, nous en l'occurrence, mais c'est aussi le cas d'autres créateurs et c'est le cas de Sony qui sait prendre des risques et je pense que cette expérience vaut la peine d'être vécue. Donc voilà, restez branchés et guettez les prochaines news.

Toute la rédaction Play3-Live remercie encore une fois David Cage pour sa disponibilité, la passion qu'il porte en lui et qui se dégage à chaque interview. Et Merci à Grégory Delfosse pour nous avoir permis cette première rencontre au FJV mouture 2009.

Autor: moz
Source: Play3-Live
Language:French

Labels: , ,

[FJVSaturday, September 19, 2009
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